Capitaine.
04/10/2020
Promenant sa peine, le vieil homme triste noyait dans un verre
Tous les souvenirs et les tumultes que lui avait offert la mer ;
De son enfance, aux rêvés pirates et faussaires,
À son grand âge, et ses nombreux - mais disparus - amis corsaires.
Il avait quitté la capitainerie plus tôt dans la matinée ;
La bruine, perlant dans sa toison sauvage et mal taillée,
S’écrasait, imperceptible, contre les berges pavées ;
Porteur de malheur, maintenant accoudé au comptoir délavé.
C’est à la nuit tombée que la lourde et vieille épave
Que trainait l’ancien capitaine de frégate - jadis hardis et brave -
S’était mue jusqu’au phare, dont la lumière lui conférait l’air grave
D’un individu rattrapé par les maîtres dont il était l’esclave.
Le phare de la Baleine était, depuis quelques années, le lieu d’expression du calvaire
Cinglant - vers l’horizon lointain - de ce vieux loup de mer,
Ayant longtemps promené sa peine et noyé ses tourments dans un verre,
Il disparu au large, porté par les vagues, comme une bouteille à la mer.
Second prix étudiant : Palmarès de l'apprentissage du concours Poésie en Liberté
